Nous étions invités, ce mercredi 15, à nous pencher, après avoir donné notre avis individuellement via notre boîte courriel professionnelle - un très long pensum aux questions parfois mal posées, répétitives et pleines de chausse-trappes - , sur le projet de nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture destiné à remplacer le socle actuel dont le rejet par les familles aussi bien que par le corps professoral ne pouvait plus être masqué.
Mais, si nous avons consciencieusement rempli le questionnaire fourni par la Principale, ne nous leurrons pas, nous savons très bien que toutes ces consultations finiront au panier, sans même avoir été lues. Le seul but de la manoeuvre, c'est de permettre au ministère de faire croire à l'opinion publique et aux professeurs, que le texte final, qui est déjà prêt, a été approuvé et demandé par les profs eux-mêmes.
En vérité, qu'avons-nous dit de ce socle ?
Tout d'abord, nous avons été unanimes pour dire qu'il était bien trop général, trop ambitieux et parfois peu adapté aux capacités intellectuelles d'un élève de collège, fût-il en Troisième. Nous avons d'ailleurs demandé une mise en place d'une réelle progressivité, avec des objectifs clairs, précis, réalisables et une définition, par année scolaire et par discipline - et non par cycle -, de ce qu'un élève doit réellement savoir maîtriser pour passer en classe supérieure.
L'idée, du reste, a peu de chance de voir le jour puisqu'au contraire, après le Collège unique en 1975, le ministère cherche à créer l'Ecole unique, avec un seul corps de professeurs de la maternelle à la Troisième, polyvalent, capable de tout enseigner et d'enseigner indifféremment en maternelle, en primaire et au collège, des compétences "transversales", comme si savoir lire en français et en histoire signifiait la même chose.
L'idée, c'est de faire des économies en primarisant le collège pour confier l'enseignement à des non-spécialistes interchangeables et déplaçables (de moins en moins profs et de plus en plus animateurs de colos) en fonction des postes et des besoins - une gestion purement comptable et déshumanisée - avec un risque majeur, celui de scléroser le savoir parce que seul un spécialiste se tient au courant des avancées et des évolutions de la discipline qu'il enseigne et peut corriger des idées fausses parfois massivement répandues dans le public (ex. l'idée fausse selon laquelle les pantalons garance seraient responsables d'une surmortalité des soldats français en 1914, surmortalité qui n'existe pas en réalité).
Enfin, nous nous sommes interrogés sur le domaine le plus étrange: "Les outils pour apprendre", un domaine qui consiste à expliquer aux élèves qu'apprendre, c'est savoir uniquement chercher et sélectionner des informations sur le net. L'idée que quelques clics peuvent remplacer le moindre apprentissage intellectuel laisse tout de même bien perplexe, car si le savoir et la connaissance sont disponibles - en partie - sur le net, c'est bien parce qu'un jour des gens ont fait l'effort d'apprendre. Imagine-t-on demain des comédiens qui n'apprendraient plus leur texte sous prétexte qu'il suffit de quelques clics pour le trouver, et qui, munis sur scène de tablettes numériques, réciteraient ce qu'ils auraient sous les yeux ? C'est pourtant bien le nouveau credo du ministère pour l'école de demain.
Par ailleurs, si les neufs points sur l'évaluation nous sont apparus interressants sur le principe, nous n'avons pu réellement nous prononcer, faute d'exemple précis et concret de ce que cela pourrait donner.
Car, c'est bien le problème avec ce socle, comme avec l'ancien, on a l'impression qu'on a mis, encore une fois, la charrue avant les boeufs.