(Statue d'Abraham Lincoln à Cincinnati, Ohio)
- Les origines
Parce qu'Abraham Lincoln, fils de Thomas Lincoln et de Nancy Hanks, est né, le 12 février 1809, dans une cabane en rondins de bois près d'Hogdenville, comté de Hardin, au Kentucky, que son père était illettré, qu'il n'a fréquenté l'école que de manière très épisodique, et que tous les deux ont exercé presque tous les métiers possibles et imaginables que l'on puisse trouver sur la Frontière, on a souvent eu tendance à croire que les Lincoln avaient été des gens qui avaient vécu dans la misère la plus noire.
Or, acquérir des terres dans l'Ouest restait à l'époque (et jusqu'au Homestead Act de 1862), relativement cher et n'était donc pas à la portée de tous.
En réalité, Thomas Lincoln était lui-même fils d'un important propriétaire à la tête de 2 200 hectares de terre et, bien qu'il ne fut pas l'aîné de la famille, à une époque où le droit d'aînesse était encore en vigueur au Kentucky, il avait pu acquérir néanmoins le statut d'un notable moyen servant dans la milice locale et siègeant à l'occasion comme juré dans les juridictions locales, et s'acheter une centaine d'hectares.
De même, lorsqu'en 1819, il épouse Sarah Bush Johnston, après le décès de sa première épouse, victime d'une intoxication liée à la consommation de lait de vache contaminé par l'ingestion d'une plante vénéneuse, la serpentaire blanche, c'est lui qui règla les quelques dettes de sa nouvelle femme.
Cependant, il n'en reste pas moins vrai que les Lincoln ont traversé une passe difficile durant les années 1815 - 1820 quand Thomas Lincoln a fui le Kentucky après que son droit de propriété sur les trois terres qu'il avait successivement achetées eurent été contestés et qu'il eut rejoint une branche très rigoriste de l'Eglise baptiste qui professait une morale stricte rejettant la danse, les courses de chevaux, l'ivrognerie et... l'esclavage.
Ils trouvèrent alors refuge dans le sud de l'Indiana, sur une terre appelée "Little Pigeon Creek" où les conditions de vie semblent avoir été particulièrement peu reluisantes et où périt Nancy Hanks, la mère d'Abraham, en 1816.
- Enfance et adolescence
On a souvent dit d'Abraham Lincoln qu'il était un homme qui s'était fait lui-même. Rien de plus exact que cette affirmation et, comme l'a noté fort justement l'un de ses biographes, le plus extraordinaire n'est pas que Lincoln soit né dans une cabane en rondins, mais qu'il en soit sorti.
En effet, on ne sait pour quelle raison, cet enfant qui finit par devenir une "grande asperge" d'un mètre quatre-vingt douze à l'âge adulte, développa très tôt un goût particulier pour la méditation solitaire, la mélancolie, la lecture et l'écriture, mais l'on sait que sa belle-mère, illettrée mais convaincue des bienfaits de l'instruction, et contre l'avis de son mari, fit tout pour que l'ensemble des enfants du foyer Lincoln fréquentâssent l'école, même de manière épisodique.
C'est ainsi qu'Abraham acquit un rudiment d'instruction qui lui permit peu à peu de développer ses connaissances, d'améliorer son écriture, et de devenir, au fil du temps, une sorte d'écrivain public pour ses voisins. Il commença aussi à écrire des poèmes et, comme tous les hommes de la Frontière - peut-être pour échapper à la mélancolie qui le tenaillait souvent - il ne dédaignait pas d'écrire et conter, pour une assemblée plus ou moins vaste, des histoires cocasses, parfois plus ou moins grasses.
D'autre part, en 1828 - il n'a alors que dix-sept ans - , Abraham participa à une aventure au long cours: il accompagna un négociant local et son fils jusqu'à La Nouvelle-Orléans, à 1 500 km de là, par l'Ohio et le Mississippi, pour y vendre du blé et de la viande. Il y gagna 24 dollars pour une voyage qui dura trois mois.
- L'installation en Illinois
En 1830, son père et sa belle-mère décidèrent de quitter l'Indiana pour s'installer sur des terres plus fertiles traversées par la rivière Sangamon, près de Decatur (un village à l'époque), dans le comté de Mâcon, en Illinois.
Abraham se vit alors proposer par un autre homme d'affaire local, de tenter à nouveau le voyage vers La Nouvelle-Orléans, en compagnie d'un de ses cousins, John Hanks et de l'un de son demi-frère, John D. Johnston.
Au retour, il décida de voler de ses propres ailes et s'installa à New Salem, un bourg aujourd'hui disparu, qui se trouvait à une trentaine de km au nord-ouest de Springfield. New Salem était alors un lieu de négoce où vivaient surtout une population composée d'artisans et de commerçants. Abraham finit par y devenir employé de magasin, utilisa ses loisirs à lire tout ce qui lui tombait sous la main (journaux, livres de grammaire, poèsie pour laquelle il devait marquer une véritable prédilection, oeuvres de Shakespeare, Le Siècle de la raison de Thomas Paine...) et commença à prendre part aux réunions d'une société de pensée dirigée par James Rutledge, le meunier local, et à laquelle participaient des gens d'origines diverses, dont le docteur John Allen, ancien étudiant de Darthmouth College, Jack Kelso, passionné de poèsie, ou Mentor Graham, directeur de l'école locale.