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7 mars 2015 6 07 /03 /mars /2015 16:25

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/0e/Ernest_Renan_1876-84.jpg/220px-Ernest_Renan_1876-84.jpg

(Ernest Renan, 1823 - 1892)

 

Les derniers événements ont conduit nos hommes et nos femmes politiques de tous bords à la conclusion qu'il fallait enseigner le fait religieux à l'école, que c'était le seul moyen de faciliter la compréhension entre les religions et faire reculer la lecture littérale du Coran par l'islamisme radical tout en corrigeant les idées fausses que peuvent avoir nos concitoyens sur cette religion suite à divers actes de cruauté et de barbarie, plus ou moins récents, commis au nom de l'islam dans le monde.

 

J'ai pourtant bien peur qu'ils ne se soient pas rendu compte - en fait, ils le savent bien - que c'était déjà largement le cas et que le fait religieux était déjà enseigné depuis de nombreuses années pour l'ensemble des grandes religions mondiales (juive, chrétienne en ses versions orthodoxe, catholique et protestantes, musulmane), sans que le vivre-ensemble et la tolérance entre les religions aient beaucoup progressé.

En fait, en dehors d'élèves très croyants, mais ultra-minoritaires, rares sont les élèves à ne pas confondre fait religieux et catéchisme et à ne pas nous reprocher de plus en plus de faire du catéchisme quand il ne s'agit que de présenter des éléments culturels pour les aider à différencier les religions entre elles, expliquer leurs croyances et montrer l'influence culturelle et artistique que ces religions et les civilisations auxquelles elles ont donné naissance ont pu avoir sur le monde.

 

Comment comprendre ces réactions ?


Je crois, fondamentalement, que les réactions de plus en plus hostiles des élèves est la conjonction de plusieurs phénomènes parfois contradictoires:


- une définition de la laïcité qui, à juste titre à mon avis, considère de plus en plus que les croyances religieuses relèvent, pour l'essentiel, de la sphère privée, mais avec des parents qui n'ont pas tous les mêmes motivations:

    . les parents non-croyants craignent toujours quelque embrigadement religieux bien que ce ne soit pas le but

    . à l'inverse, les parents croyants soupçonnent toujours l'école, sous couvert d'évoquer le fait religieux, de militer pour le rejet des croyances et l'athéïsme (et l'institution a paru leur donner raison car il fut un temps où, par exemple, simplement évoquer l'idée que Dieu n'était pour rien dans l'ouverture de la mer Morte en deux nous a été reproché comme une atteinte intolérable aux croyances des élèves de la part de nos inspecteurs);


- la croyance, chez un certain nombre de politiques, qu'appuyer de vive voix l'enseignement du fait religieux peut leur faire gagner des voix chez les croyants, quitte à expliquer que si l'enseignement du fait religieux enseigné jusqu'ici n'a pas atteint son but, c'est parce qu'il faut l'enseigner autrement;


- une réaction épidermique des non-croyants à l'envahissement de notre société par le fait religieux à travers l'intolérance que les diverses religions développent de plus en plus entre elles, par le combat mené par l'islam radical pour imposer celui-ci dans la société française (par exemple, voir le combat mené par certains radicaux musulmans pour imposer le port du voile, exclure le père Noël des écoles ou imposer que les pauses dans les entreprises respectent les heures de leurs propres prières...) et par l'idée, sous-jacente, que chacun se doit, dans nos sociétés modernes, de posséder une religion et de se définir par sa religion, jusque dans la mort (dans certains cimetières, les morts ne sont plus enterrés ensemble mais en fonction de leur religion grâce aux "carrés confessionnels", une vraie défrocage de la république face au communautarisme).

 

Que faire ?


Tout d'abord, il n'est pas question de renoncer à enseigner le fait religieux car une partie de notre culture y est rattachée et qu'on ne peut pas comprendre certaines oeuvres artistiques ou littéraires sans culture religieuse, que les choses soient bien claires.


MAIS,

 

il serait peut-être temps d'enseigner aussi que ne pas croire est un droit; que ne pas croire a produit aussi de grands penseurs de l'humanité; que ne pas croire à pu parfois faire progresser l'histoire (voir la vision de Jésus par Ernest Renan); que ne pas croire, c'est aussi pouvoir admirer une oeuvre d'art, en comprendre le sens, sans adhérer à la religion de celui ou celle qui l'a produit; que ne pas croire, ça passe aussi par la valorisation de tout ce que notre culture et notre civilisation doivent aux apports gréco-romains où scepticisme religieux et incroyance étaient devenus de règle dès la fin de la République romaine; que ne pas croire, c'est rappeler la position subalterne que les religions doivent occuper dans la société qui est celle de la sphère privée qu'elles n'auraient jamais dû quitter.

 

Tant que l'on n'aura pas restauré et rendu ses lettres de noblesse à la non-croyance, tant qu'on n'aura pas enseigné clairement que ne pas croire est aussi énimemment respectable que de croire, tant qu'on ne l'aura pas constitué en enseignement particulier, au même titre que le fait religieux, tant qu'on continuera à laisser croire que seul enseigner le fait religieux est important, on ira droit dans le mur parce qu'on aura oublié cet élément fondamental qu'il faut enseigner que ne pas croire à une égale valeur à croire.

 

 

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